Perspectives

L’intérêt de mettre en place un système et des outils de mesure et d’amélioration de la gouvernance dans les organisations sportives est manifeste, car il permet à l’organisation de se représenter visuellement ses modalités de gouvernance, de voir ainsi les manquements et de les corriger annuellement pour rentrer dans un processus d’apprentissage vertueux. Une fois ces « qualités » démontrées, la FI pourrait continuer à les exprimer par une labellisation périodique indépendante (certification annuelle)[1]. Il peut également être recommandé à ces FI de créer une commission interne afin de suivre l’évolution de leur mode de gouvernance et de constamment chercher à l’améliorer.

Pour illustrer ces manquements, comme au niveau de l’harmonisation (niveau 4 de Pérez), nous évoquerons l’affaire Lance Armstrong (septuple vainqueur du Tour de France), en matière de dopage pour démontrer que les règles du monde de sport, les lois et accords internationaux ne vont pas suffisamment loin (AFLD, AMA, règles de l’UCI, etc.). Par exemple, la France détient tous les éléments pour prouver qu’il y a cas avéré de dopage pourtant la France n’agit pas ! Néanmoins, aux USA Lance Armstrong ne va probablement pas s’en sortir indemne. Pour mémoire, nous rappellerons l’affaire Marion Jones qui a fait de la prison et payé pour ses « délits », donc Armstrong lui aussi pourrait bien purger une peine de prison, sans compter les dettes à payer. L’harmonisation des sanctions en matière de dopage apporte une nouvelle justification à la création d’un organe indépendant du contrôle de la gouvernance du monde du sport.

Il est clair, cependant, que les organisations étudiées sont aussi et parfois essentiellement des configurations politiques, voire des arènes politiques centrées sur des conflits de pouvoir, au sens de Mintzberg ou dans la perspective des béhavioristes (Cyert et March, 1963). C’est-à-dire que la conservation du pouvoir par le président et les dirigeants en place apparaît aussi comme un moteur de la dynamique de gouvernance et de management.

Le contrôle du CA du CIO et des FI peut apparaître peu actif mais professionnel. La question de savoir si l’objet social et la stratégie sont correctement servis par les dirigeants et le management n’est donc pas vraiment abordée. La gouvernance dans ce type d’organisation se doit pourtant d’être irréprochable que ce soit entre le CA et la direction salariée mais aussi entre les organisations nationales ou/et continentales et la FI et enfin entre l’organisation et ses parties prenantes. De même que pour le CIO et les CNO.

Un autre élément de discussion avec la littérature concerne les formes de rationalités présentes en termes de gouvernance et de pouvoirs. Les trois sphères de légitimité sur lesquelles se fondent la légitimité de la gouvernance du projet de ces organisations sont essentiellement sportives (en lien avec l’objet et la mission de l’association), financières et sociétales. La responsabilité financière de telles ONG est théoriquement de veiller à optimiser son administration et réduire ses coûts de fonctionnement pour orienter le maximum de ses ressources vers son objet social. Ces éléments sont difficiles à mesurer et à contrôler. C’est pourquoi, l’institutionnalisation de la gouvernance, c’est à dire le processus par lequel les pratiques deviennent pour acquises au sens des néo-institutionnalistes comme Berger et Luckmann (1996), s’effectue selon des formes de rationalité qui comme pour les multinationales semblent profondément évoluer. Les rationalités semblent ainsi passer d’une rationalité sportive redistributive interne s’appuyant sur une logique financière (organiser des compétitions profitables contribuant à l’image de la FI tout en organisant une redistribution financière sur les régions les plus défavorisées) à une rationalité plus globale citoyenne et sociétale (« faire du bien » par le sport par la diffusion des valeurs du sport et de l’olympisme pour la société) pour reconquérir une légitimité contestée. Cette tendance semble apparaître comme mimétique dans le cadre du mouvement plus global de RSE[2]. Il s’effectue avec le monde du business et souvent à la demande des sponsors mais aussi du CIO. Il contamine le champ organisation sportif et olympique international voire au-delà du monde des ONG. Cette évolution n’est pas nouvelle en soi pour le monde sportif et olympique qui la porte dans ses gènes et dans son projet et utopie originelle (contribuer à un meilleur fonctionnement de la société grâce au sport: paix, éducation…). C’est pourquoi il s’agit plutôt d’une nouvelle approche stratégique et managériale (notamment en termes de communication) qui essaye de redonner à cette rationalité citoyenne et sociétale une place plus centrale et opérationnelle. C’est dans ce sens que les niveaux 4 et 5 de la gouvernance prennent une importance et un rôle accrus pour faciliter la réalisation de ces nouveaux enjeux et contribuer à redonner une légitimité d’ONG à ce type d’organisation.

Mais contrairement au monde économique, il existe un vide juridique dans le domaine. Aucun organe de contrôle officiel n’existe à ce jour dans le monde associatif et/ou sportif. Le gigantisme du système sportif ainsi que l’imbrication de certains états de pays totalitaires ou du sud dans les systèmes sportifs nationaux, le contrôle des milieux du sport par certaines organisations mafieuses justifient les contrôles de gouvernance du monde du sport. Pour aller dans cette direction, une perspective intéressante réside dans la création d’un « World Sport Governance Agency » (WSGA) (Arcioni 2010) qui serait une organisation non gouvernementale défendant la charte olympique, les principes de la bonne gouvernance et l’éthique au sein de la famille olympique et du monde du sport professionnel comme amateur.

La proposition d’une telle agence pourrait dépasser le monde du sport et être appliquée à toutes les organisations internationales à but non lucratif. Cette agence pourrait devenir un modèle pour le contrôle de la gouvernance des ONG. Sur ce même modèle, le monde des ONG pourrait créer un pendant de ce type d’agence et intégrer un outil de mesure en matière de norme de gouvernance des grandes ONG, moyennant une adaptation de certains indicateurs en fonction de ces dernières (organisations humanitaires, caritatives, environnementales etc.).



[1] A définir plus tard.

[2] RSE : Responsabilité sociale des entreprises.